Pourquoi est-il important de donner aux salariés plus d’autonomie dans les choix de formation et carrière ?

Les transformations en cours dans les entreprises, qui caractérisent la quatrième révolution industrielle, sont uniques dans l’histoire par leur ampleur. Les grandes organisations sont les plus vulnérables si elles n’adaptent pas rapidement leur mode de fonctionnement. En particulier la mauvaise anticipation sur les besoins en compétences constitue un problème à traiter de manière urgente.

Selon une étude réalisée par l’OCDE [1] dans les prochaines années, c’est un emploi sur deux qui sera impacté par l’automatisation, avec pour 14% des emplois une part très importante des tâches automatisables (plus de 70%) et 32% des emplois auront entre 50% et 70% des tâches automatisables .

La prise de conscience de la transformation des emplois ne s’est pas encore traduite de manière massive par la mise en œuvre de moyens adaptés. Ainsi dans une étude réalisée par Deloitte[2], seulement 18% des entreprises déclarent donner les moyens aux salariés pour développer activement leurs compétences et plus de la moitié des répondants déclarent n’avoir aucun programme pour développer les compétences d’avenir et organiser la mobilité.

Un des freins de ce manque d’anticipation est une gestion trop rigide des parcours de carrière, basée sur des postes et non sur des compétences. Une des recommandations est de bâtir un système qui s’appuie sur un référentiel de compétences, intégrant suffisamment de compétences transversales pour permettre des passerelles entre les métiers. Le dictionnaire défini par une étude publiée par Harvard donne la base pour choisir le référentiel adapté à l’entreprise[3].

En amont, il faut aussi se doter d’une veille pour faire évoluer le référentiel des compétences dont aura besoin l’entreprise et prendre en compte les nouvelles compétences. Ce socle de compétences peut servir aussi bien pour les évaluations, que pour la construction des programmes de formation. Avec le développement de l’automatisation certaines compétences qui étaient très mises en valeur pour l’application standardisée de process, seront moins utiles car les tâches en correspondance seront effectuées par des machines. Au contraire quatre compétences vont devenir particulièrement importantes : la créativité, l’esprit critique, la communication et la coopération (les 4 C). Une étude sur les compétences futures réalisé par l’Université de Palo Alto met en avant l’importance de la dimension relationnelle et collaborative.[4]

Une autre explication sur le retard pris par les entreprises est l’approche trop verticale de la relation managériale qui n’incite pas à la prise de risque des salariés, ni à explorer différentes pistes. Le fait de redonner le pouvoir/l’autonomie aux salariés pour qu’ils puissent se positionner et découvrir les compétences à développer fait parfois peur aux directions qui craignent de perdre le contrôle. De la même manière que la réforme de la formation professionnelle en France vise à donner le pouvoir au salarié sur la gestion de son compte personnel de formation, la gestion des parcours nécessite d’être plus ouverte. Le collaborateur devient acteur de son parcours professionnel au sein de l’entreprise.

De nouvelles opportunités

L’exploitation du big data par des applications sur la mobilité professionnelle [comme Monkey-Tie[5]], ouvre pour les salariés le champ des possibles et permet surtout de se rendre compte des compétences à acquérir pour franchir le pas. Les salariés peuvent ainsi construire un projet professionnel et s’engager dans des formations avec en ligne de mire un ou plusieurs métiers. Les possibilités ouvertes par les nouvelles méthodes pédagogiques, associant du E-Learning et du présentiel, donnent aux entreprises des leviers puissants à des coûts raisonnables. Le fait de créer le mouvement permet de mieux associer les salariés à des transformations de métiers et de lever certains freins au changement.

Le mode d’apprentissage est aussi en cause, car notre système de formation en Europe a été basé sur l’acquisition de connaissances (validées par un diplôme) qui sont indispensables mais pas suffisantes pour aboutir aux compétences. Celles-ci sont effectives quand le salarié peut mobiliser dans l’action des savoirs combinés. La réalisation (le faire) est donc indispensable. L’apprentissage se fait donc avec une mise en pratique, ce qui nécessite aussi d’expérimenter. Le « test and learn » est une des clés de succès des startups et cela s’applique aussi aux grands groupes. Par ailleurs l’utilisation des savoirs combinés nécessite des compétences relationnelles et comportementales. L’acquisition de compétences pourra aussi s’effectuer par des immersions de plusieurs mois dans des startups

Enfin le développement de l’intelligence artificielle va impacter une majorité des métiers et les interactions homme – machine seront les facteurs essentiels de réussite. Au jeu d’échecs l’ordinateur peut être plus performant que le meilleur humain, mais la combinaison homme – machine est encore supérieure.

Il est maintenant urgent que chaque salarié puisse construire son parcours professionnel de manière autonome en fonction des besoins actuels et futurs de l’entreprise. Cela nécessite de déconstruire et reconstruire certaines pratiques RH. La gestion par les compétences (et non les postes) nécessite de partir d’un référentiel qu’il est difficile de construire sans être accompagné.

Article écrit par Marc Veyron, membre PremiumPeers

[1] OECD Automation, skills use and training March 2018 https://www.oecd-ilibrary.org/docserver/2e2f4eea-en.pdf?expires=1523881572&id=id&accname=guest&checksum=FF9DCC411B0D8086125959771210A442